lundi 30 décembre 2019

Reçu d'un rouge-gorge



J’ai ouvert la fenêtre
sur le chant de l’oiseau
le givre est entré
la nuit était pâle

le chant m’a dit
attarde-toi
entends celui qui veille

nul ne peut dire
le secret
de l’oiseau.


La leçon du rouge-gorge
c’est ce chant obstiné
dans la nuit
sertie de givre bleu

Avec le brouillard monté de la rivière
et les petits animaux
endormis dans les trous.


31 décembre
j’ai la peau bleue de froid
pieds nus
à la fenêtre

la vaillance
cette nuit
a la gorge vermeille

je reçois de l’oiseau
la dernière leçon
                            de l’année.
 

samedi 28 décembre 2019

La lumière qui n'est plus



Celle-ci baignait la colline de Vézelay, un 1er janvier, 
il y a quelques années déjà, en 2016. 
Si proche et si lointaine. 
Disparue à jamais, et pourtant toujours présente.

Nos images se souviennent de ce qui n'est plus.
Nos coeurs sont tissés de ce qui n'est plus.
Ainsi, demeure la lumière.


lundi 16 décembre 2019

Celui qui aime / André Schmitz


 Il ne dort pas celui qui aime
Il entretient le feu
et s'entretient avec un grésillement de sèves dans l'âtre
Il parle doucement avec le silence
Il met les lampes en veilleuse
Il range salière et sablier
et autres ustensiles du repas

Celui qui aime ne dort pas
Il veille et il attend
Il économise les vertiges et les syncopes
Il économise son cœur
pour mieux le répandre
quand le temps sera venu

André SCHMITZ  Pour ainsi dire, pour ainsi vivre

Au matin, une amie chère familière des mots, familière de l'amour et de la douceur, m'envoie ce poème dont je ne connaissais pas l'auteur, et j'ai envie de le partager avec vous.

 

jeudi 12 décembre 2019

Journal d'une pierre



J’ai dit :
 « je parle »
et je me tais.

Parle, pierre,
dit-elle.

Elle dit « pierre »
et puis quoi ?

...

Je vais écrire,
dit-elle,
le journal d’une pierre.



Tout nouvellement paru aux éditions de l'Atelier des Noyers, voici mon nouvel opus. Il est illustré de dessins à l'encre de Chine disponibles également en cartes postales et en tirages numériques signés et numérotés. C'est toujours un bonheur de partager.

• Anne Le Maître, Journal d'une pierre, Atelier des Noyers, 2019. 14 €

vendredi 29 novembre 2019

Responsabilité


"L’Art est sans doute ce chemin d’absolue liberté, et nous ne pouvons en brûler les ronces, les herbes mauvaises, sans bien contempler la terre que nous avons sous les pieds. Oui nous sommes comptables de nos paroles et de nos actes dans une époque où parler à la légère est le credo, agir en portant tort, le principe de base. Il y a une voix dans la parole que nous ne devrions jamais trahir. Écrire, c’est se sentir près de cette voix, comme entre les bras d’une mère. Celui qui trahit sa mère, trahit ce qui le fonde. Les mensonges aujourd’hui sont devenus des montagnes. "

Joël Vernet, Carnets du lent chemin,Copeaux ( 1978-2016)
La rumeur libre éditions, 2019, p.18.
[cité par Sylvie-E. Saliceti, sur son blog à consulter ICI.]

lundi 25 novembre 2019

Entre deux saisons... / Didier Mény


Entre deux saisons
Le temps d'apprendre le vent et les marées
Le ciel et l'argile
Le cri et le frisson

Les mots et les vins 
Le temps d'un fruit et d'une cicatrice
Une branche qui plie
La ride de l'écorce
Et déjà il est tard
Pour être sage


Didier Mény, Les oublis du vent,
avec des illustrations de Dan Steffan, Atelier des Noyers,  2019.


samedi 16 novembre 2019

Une lecture... / Marion Muller-Colard


"Peu importe l'heure à Sylvia, et d'ailleurs l'heure importait peu à Bastien. Parfois oui, si tôt le matin, elle l'avait déjà habillé et on pouvait voir leur ombre commune ramper sur les pavés. Ces deux-là glissaient sur le petit matin et tous les matins étaient de givre, prêts à casser, résistants pourtant. Les aubes étaient une fine couche de glace émergée de la nuit à la surface du jour, trois vrilles de merle et elle rompait. Alors jaillissait la nécessité. Les regards, les échanges humains, les doléances, les listes, l'intrusion permanente des choses à faire qui cognent à coup de bélier dans le noyau dur de l'âme, cet endroit à soi qui se passerait si volontiers de choses à faire. Les promenades matinales de Sylvia et Bastien ne répondaient à aucune loi, aucune nécessité, elles étaient leur poche d'air, pure gratuité. Étaient-ils un seul corps ou bien deux ? Avait-on jamais vu si bel accord de cadences dans une promenade ?..."


J'ai déjà évoqué en ces pages Marion Muller-Colard, théologienne protestante, pasteur, écrivaine et auteure (cette énumération est, ce n'est pas un hasard, un défi aux règles de féminisation des noms de métiers) de livres qui me bouleversent chaque fois : L'autre Dieu, Le plein silence, L'intranquillité.  Je ne l'avais jamais découverte romancière. C'est chose faite avec ce roman d'une force et d'une subtilité étonnantes paru l'an dernier et que je viens de terminer.

Le jour où la Durance : une mère, Sylvia, perd son fils. Il a trente-sept ans, il s'appelle Bastien. Il était très lourdement handicapé. Elle voudrait se persuader que rien ne change, que ce n'est qu'un degré supplémentaire d'une absence depuis longtemps consommée, et pourtant... Du dimanche au jeudi, tandis que la Durance sort de son lit et recouvre la terre, les souvenirs affluent, débordent et Sylvia, dans les quatre jours qui séparent le décès de l'enterrement, part à la redécouverte de sa propre histoire.

Le jour où la Durance, M. Muller-Colard, Gallimard (Sygne), 2018, 180 p.

Sur Marion Muller-Colard dans ce blog, c'est également ICI.

samedi 9 novembre 2019

Un programme...

S'en tenir
à la terre

Ne pas jeter d'ombre
sur d'autres

Être
dans l'ombre des autres
une clarté



Sich zurückhalten
an der erde

Keinen schatten werfen
auf andere

Im schatten
der anderen
leuchten


Reiner Kunze, Un jour sur cette terre, traduit de l'allemand par Mireille Gansel

[Ces vers, imprimés par la très jolie maison d'édition Cheyne, sur une carte postale qui m'a un jour été envoyée, m'accompagnent au long des jours comme un programme. ]

dimanche 20 octobre 2019

Le merle du dimanche


Petit matin
une tasse de thé
quelques notes de Bach
quelques larmes de brouillard...
Le merle et moi nous attendons le jour ensemble.

dimanche 6 octobre 2019

Je voudrais pas crever / Vian / Trintignant



Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre...
 

 Prenez 3 minutes 40 pour écouter ça.


mercredi 2 octobre 2019

Feuilles / Philippe Jacottet


On a vécu ainsi, vêtu d’un manteau de feuilles ;
puis il se troue et tombe peu à peu en loques.

Là-dessus vient la pluie, inépuisable,
éparpillant les restes du soleil dans la boue.

Laissons cela :
Bientôt nous n’aurons plus besoin que de lumière.


dimanche 22 septembre 2019

L'autre jardinier


 Monsieur-qui-pique est au jardin
qui fait cueillette d’ombre
qui danse sous la lune
et prêche aux vers luisants.

Monsieur-qui-trotte aux heures d’encre
entonne les vigiles
il creuse le brouillard
et ronchonne en latin.

Il fait son nid dans tes silences
se musse sous la terre
se vêt de feuilles mortes
se grise de rosée.

Monsieur-qui-gratte est au jardin
qui croque des limaces
qui compte les étoiles
et laboure le temps.

Reste chez toi
voile la lampe
c’est l’heure des chats et du sauvage

ce jardin-là
n’est pas le tien
Monsieur-qui-pique est au jardin.


vendredi 20 septembre 2019

La maison de Colette



 Saint-Sauveur en Puisaye, où rodent encore les chats dans les jardins clos, 
tandis que la glycine continue de tordre les vieilles grilles...




dimanche 15 septembre 2019

Pourquoi le merle


Tu bouscules la cime
où l’ombre s’effiloche

tu frôles le silence

tu congédies la peur

tu éveilles le chant


Le voici               Ton soleil


psalmiste
aux ailes brunes
aux pattes de brindille

vigie du bord de l’aube

petit guetteur d’aurore
ta louange
t’affole

tisse-nous par ta joie
       un manteau
                  pour le jour.

vendredi 13 septembre 2019

Le feu du silence / Jean Lavoué


...
S'en remettre à sa frontière sans limites
Laisser aller la main où la nuit s'interroge
De tout bosquet libérer l'oiseau
S'affranchir de l'encre des mots d'ordre
Panser d'eaux vives nos blessures
Porter en soi un feuillage persistant
Ancrer en soi les racines de l'espérance
Transmettre le silence comme un incendie
Sur toute absence nue lever le voile
En toutes traces sauves saluer la présence
Se tenir à la croisée du Poème
Au bord de l'abîme consentir à la joie.

Jean Lavoué

Souvenir d'une rencontre de silence au carmel de Mazille en ce début septembre.

On pourra avec bonheur fréquenter le blog de Jean : L'enfance des arbres.  

lundi 9 septembre 2019

Silence / Marion Muller-Colard

Trop en trop
et depuis trop longtemps
Les mauvaises choses, toujours en trop
mais aussi les bonnes
Trop de tout

Occlusion cérébrale
sentimentale
spirituelle
Tout mon être
comme une machine lourde
chaque matin
plus difficile
à relancer

(...)

Mais il y a plus vicieux encore :
je m'accoutume

Je m'accoutume à ce trop-plein
que je ne supporte plus
Plus je déborde
plus je remplis

Je suppose qu'on appelle cela
le syndrome de Stockholm
Le trop est mon tortionnaire
mais je le sers docilement
et je m'y accroche
de toutes les forces
 que je n'ai plus

(...)

Heureux êtes-vous
si vous ne voyez pas
 de quoi je veux parler

Si vous ne voyez que trop bien
suivez-moi
j'ai trouvé un jardin


Dans Le plein silence, petit livre écrit en vers libres, la théologienne protestante Marion Muller-Colard relate une expérience de jeûne, d'expérience du silence et de retour sur soi dans un centre jésuite au pied de la Chartreuse. Les délicates aquarelles de Francine Carillo accompagnent ce merveilleux texte, intime, espiègle et poétique, sur la confrontation avec le plus Grand que soi.



Il se peut
je le conçois
qu'à ne plus parler
on entende enfin
ce qui parle
au plus profond de soi

jeudi 5 septembre 2019

Bleu / Maggie Nelson


"1. Et si je commençais en disant que je suis tombée amoureuse d'une couleur. Et si je le racontais comme une confession ; et si je déchiquetais ma serviette en papier pendant que nous discutons. C'est venu petit à petit. Par estime, affinité. Jusqu'au jour où (...) je ne sais comment, ça a pris un tour personnel.

2. Je suis donc tombée amoureuse d'une couleur - la couleur bleue, en l'occurrence - comme on tombe dans les rêts d'un sortilège, et je me suis battue pour rester sous son influence et m'en libérer, alternativement.

3. Qu'en est-il ressorti ? Une illusion choisie, pourrait-on dire. Que chaque objet bleu soit une sorte de buisson ardent, un code secret destiné à un seul agent, une croix sur une carte trop grande pour être entièrement déployée, mais qui contiendrait tout l'univers connu."


Maggie Nelson, Bleuets, Éditions du sous-sol, traduit de l'anglais (USA) par Céline Leroy.


dimanche 1 septembre 2019

Septembre / Barbara


Jamais la fin d'été n'avait paru si belle.
Les vignes de l'année auront de beaux raisins.
On voit se rassembler, déjà les hirondelles
Mais il faut se quitter. Pourtant, l'on s'aimait bien.
Quel joli temps pour se dire au revoir.
Quel joli soir pour jouer ses vingt ans.
Sur la fumée des cigarettes,
L'amour s'en va, mon cœur s'arrête...


Et une si délicate interprétation, signée Camélia Jordana et Alexandre Tharaud, 
de cette belle chanson de Barbara. 

Je vous souhaite un doux mois de septembre... 


jeudi 22 août 2019

Les mots / Guillevic





En somme,
Avec les mots,
C’est comme avec les herbes,
Les chemins, les maisons, tout cela
Que tu vois dans la plaine
Et que tu voudrais prendre.
Il faut les laisser faire,
Par eux se laisser faire,
Ne pas les bousculer, les contrarier,
Mais les apprivoiser en se faisant
Soi-même apprivoiser.
Les laisser parler, mais,
Sans qu’ils se méfient,
Leur faire dire plus qu’ils ne veulent,
Qu’ils ne savent,
De façon à recueillir le plus possible
De vieille sève en eux,
De ce que l’usage du temps
A glissé en eux du concret. 

Guillevic (extrait du recueil Inclus, 1973)

lundi 19 août 2019

Recette / Guillevic


Prenez un toit de vieilles tuiles
un peu avant midi.

Placez tout à côté
un tilleul déjà grand
remué par le vent.

Mettez au-dessus d'eux
un ciel de bleu, lavé
par des nuages blancs.

Laissez-les faire.
Regardez-les.

(Guillevic, Avec, 1966)

vendredi 16 août 2019

Tête-à-tête



Viens encore une fois
Te consacrer caillou
Sur la table dans la lumière
Qui te convient,
Regardons-nous
Comme si c'était
Pour ne jamais finir.
Nous aurons mis dans l'air
De la lenteur qui restera.

(Guillevic, Encoches

(illustration : pour un projet en cours)

 

lundi 12 août 2019

"Ce qui voyage, c'est comme le ciel" / J.-Cl. Pirotte

     "Bien entendu, par la force des choses, il m'est arrivé de-ci de-là de participer à l'agitation générale. Il faut bien vivre paraît-il. Je l'avoue sans honte, j'ai même été jusqu'à gagner de l'argent. Mais j'ai beau faire, toute cette cuisine n'a jamais réussi à m'intéresser. Je dois souffrir d'un manque, être affligé d'un trou quelque part, si j'ose ainsi m'exprimer. Il faut croire qu'il y a malgré tout quelque chose à comprendre que je ne comprendrai jamais. Quand j'écoute au-dedans de moi, ce qui se lève c'est comme le vent, ce qui voyage c'est comme le ciel et parfois la mer (je ne connais pas bien la mer et j'ai toujours eu peur de l'eau), ce qui bouge ce sont des arbres, des lumières, des collines, parfois les mouvements me bercent et parfois ils me bousculent, il y a des soirs où je me sens secoué de petits séismes, et d'autres où des musiques se lovent sous ma peau comme des filles qui glissent dans le sommeil. Je n'accorde en général à ces événements intimes qu'une attention bienveillante mâtinée d'un rien de condescendance attendrie. Je pense que ce sont de légères humeurs, un peu comme des songes de très jeune bébé, des remous d'une mince nostalgie séculaire, et je ne me casse pas la tête.
     Ce n'est pas vrai. Je mens comme un dentiste. Et ma tête, non, impossible de raconter ce qui s'y passe."

Jean-Claude Pirotte,  Un été dans la combe, 1986.


Un homme arrive dans une cabane abandonnée. D'où vient-il ? Est-il malade, fou ou simplement inadapté aux bruits du monde ? Rêve-t-il ou est-il rongé par les souvenirs ?... C'est toute l'âpre et merveilleuse poésie de J.-Cl. Pirotte (1939-2014).


dimanche 4 août 2019

Urgence / Annie Dillard


"Je m'assignai une tâche pour le restant de mes jours : celle de me souvenir de tout, absolument tout, pour combattre l'oubli. Je traverserais l'existence armée d'un filet à plancton. Je saisirais et retiendrais la moindre plaisanterie de mes professeurs, le moindre visage dans la rue, le plus petit mouvement d'algues microscopiques, toutes les conversations, la configuration des feuilles, les rêves, chaque nuage effiloché là-haut dans le ciel...
Certains jours, j'étais taraudée par un sentiment de responsabilité envers le moindre changement de lumière à travers les vitres de la véranda. Qui en garderait la trace ? Qui serait la mémoire de notre temps et du vent, dehors, qui fouettait les branches des marronniers ? Il fallait quelqu'un pour cela, quelqu'un pour défendre becs et ongles tous ces jours qui passaient, sinon le spectacle aurait été donné en vain. Que l'entreprise fut impossible ne m'effleurait même pas. Mais pour ce travail, pour cette tâche, je ne connaissais pas de mot."

Annie Dillard, Une enfance américaine, 1987 (traduction M.-Cl. Chenour et C. Grimal)


Sinon, le spectacle aura été donné en vain...


jeudi 1 août 2019

Parution estivale



Tous les jours l'été vient de paraître aux éditions de la Renarde Rouge. 

Pour en savoir plus, c'est ici. 

Pour en lire une jolie critique, c'est là.

samedi 22 juin 2019

Fantômes, souvenirs...



..."Il y avait aussi et surtout la cérémonie du bain, les deux bassines de zinc, une grande et une petite, une ronde et une ovale dans lesquelles nous nous plongions pour la toilette du soir. Emplies à la main d’une eau patiemment chauffée dans deux bouilloires de fer blanc, j’en sens encore sur ma peau le singulier contact un peu râpeux, un peu crissant du métal gris. On les installait sur la galerie ou mieux, sur le sable de la terrasse encore chaud de soleil et ma sœur et moi barbotions, chacune dans la sienne, nous arrosant mutuellement en pouffant de rire dès que l’adulte de service nous quittait des yeux.

Combien d’étés ont-ils duré, ces bains de plein air ? Ma bassine n’était pas si grande que j’y tins dix ans... Mais le temps de l’enfance est un temps éternel. Quand je regarde aujourd’hui, reléguées dans l’écurie, accrochées aux chevrons au-dessus du ballon d’eau chaude d’une écrasante modernité qui a mis fin aux corvées de bouilloires, la bassine ronde et la bassine ovale, je me prends à sourire avec tendresse à la pensée des ces deux petites demoiselles immergées dans leur cuve comme des langoustes dans une casserole : un jour j’ai eu cette taille.
Naguère, ma petite sœur tenait tout entière dans ces dix litres d’eau.
Deux images en négatif, deux trous creusés dans le métal, dans lesquels notre enfance a laissé son empreinte. Deux petits fantômes nus, tout luisants de savon, qui courent avec ivresse et leurs pieds laissent sur le carreau des empreintes humides."

[Extrait de Tous les jours l'été, texte auquel j'ai travaillé ces derniers mois, qui sort la semaine prochaine aux éditions de La Renarde Rouge.]



jeudi 20 juin 2019

Le silence de l'autre... / Frédéric Boyer


"... Je ne sais si l’autre disparu me parle et si je puis communiquer avec lui, mais je me tiens alors dans cette incertitude comme au lieu le plus intime de ma condition de vivant et de parlant. Je m’engage dans cette tâche d’avoir à traduire le silence de l’autre, son absence. Il n’y a pas de présence des morts, mais leur absence précisément nous parle et nous fait parler. Elle nous ouvre à une autre expérience de notre présence au monde. Une présence capable d’accueillir l’absence. Notre parole s’approfondit du silence des disparus. Notre présence s’éprouve dans leur absence. Je parle à l’autre qui m’a quitté. M’entend-il ? Je sais que non probablement, mais la mort a éveillé, dans mon impuissance à lui parler, le désir profond de communiquer.

Ce paradoxe est mon humanité. C’est cet inespéré qui apparaît en traversant le deuil : que l’absence devienne exigence de parole... "


Frédéric Boyer dirige les éditions P.O.L. Il a perdu tragiquement sa compagne, la philosophe Anne Dufourmantelle, il y a  presque deux ans.  Il tient également une chronique hebdomadaire dans le journal La Croix. C'est de celle qui paraît ce jeudi que je tire ses lignes, qui résonnent en moi profondément. Je sais qu'elles parleront à certain-e-s des passant-e-s de ce blog.

dimanche 16 juin 2019

Sauge sclarée



On l'appelle aussi "la toute-bonne", 
ce qui lui donne de faux airs de marquise de Sévigné...
Elle a élu domicile au jardin.
 

mardi 4 juin 2019

La peinture à l'aquarelle / Herman Hesse




Un délicieux extrait de L'art de l'oisiveté.
[Pour le lire plus confortablement, cliquez sur l'image.]

dimanche 2 juin 2019

Comme un petit mirage




Les oeuvres d'art éphémères de la lumière me ravissent toujours autant.
Cadeau du soleil levant ce matin au jardin...


jeudi 23 mai 2019

"Le ciel est bleu" / Antoine Emaz



« Ecrire «le ciel est bleu» n’est possible qu'à force d’avoir vu le ciel bleu sans l'écrire. Ou bien on a essayé, raté. Et puis un matin, les mots cherchent le ciel, alors qu’il n’a rien de plus bleu que les autres. Le présent est épais, et s’il ne l’est pas assez pour libérer un poème, il vaut mieux le laisser passer, jusqu’à ce qu’il épaississe encore. Attendre : aucun poème n’est nécessaire, sauf celui qui s’écrit de lui-même, dans l’élan d’un moment, maintenant, souvent préparé par une longue patience. En cela, un poète travaille sans cesse, même quand il semble ne rien faire sinon vivre, regarder, sentir. Mais ça, c’est un peu compliqué à expliquer aux autres, que l’on travaille en ne faisant rien. »


Antoine Emaz, D'écrire, un peu, éditions Aencrages.


dimanche 19 mai 2019

lundi 13 mai 2019

Par la fenêtre



Quelques mots croisés à l'angle d'une fenêtre, dans une rue de Bruxelles.
La poésie est au coin de la rue.