lundi 30 mars 2020

Veilleuse



Une bougie allumée au jardin
pour une amie partie sans nous.

Il nous faut inventer
 de nouvelles manières d'aimer
de dire au revoir
d'accompagner.



dimanche 22 mars 2020

Mon jardin me manque...


Depuis une semaine, j'ai rejoint la maison familiale et mes parents. Le corona tout seul, ce n'est pas drôle. On bavarde, on travaille chacun de son côté, de temps en temps on se monte des cafés, on répartit les taches ménagères... C'est doux.

Le jardin de ma mère est tout beau dans le printemps. Mais, oserais-je le dire : j'y avais planté des pâquerettes il y a dix jours et depuis... mon jardin me manque !


samedi 21 mars 2020

Salle d'attente / Thomas Vinau


Il y a ce moment
dans la salle d'attente
du médecin ou de l'hôpital
lorsque le temps reste suspendu
que chacun est à la même enseigne
quelque soit âge classe sexe couleur
ce moment de silence un peu moite
à la fois confortable et insupportable
où l'on tente d'occuper l'enfant
de tenir la bête dans notre tête
de patienter avec posé sur un genou
l'irréductible angoisse de la mort
et sur l'autre un magazine d'actualités futiles
et bien voilà nous y sommes
le monde est devenu ce moment
 
Thomas Vinau, Une salle d'attente avec des chants d'oiseaux, sur son blog hier.

vendredi 20 mars 2020

Contagion poétique / Carl Norac

"J’ai attrapé la poésie.
Je crois que j’ai serré la main
à une phrase qui s’éloignait déjà
ou à une inconnue qui avait une étoile dans la poche.
J’ai dû embrasser les lèvres d’un hasard
qui ne s’était jamais retourné vers moi.
J’ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.

Voilà un moment que ce clair symptôme de jeter
les instants devant soi était devenu une chanson.
Ne plus être confiné dans un langage étudié,
s’emparer du mot libre, exister, résister
et prendre garde à ceux qui parlent d’un pays mort
alors que ce pays aujourd’hui nous regarde.

À présent, on m’interroge, c’était écrit :
« Votre langue maternelle ? » Le souffle.
« Votre permis de séjour ? » La parole.
« Vous avez chopé ça où ? » Derrière votre miroir.
« C’est quoi alors votre dessein, étranger ? »
Que les mots soient au monde,
même quand le monde se tait.

J’ai attrapé la poésie.
Avec, sous les doigts, une légère fièvre,
je crève d’envie de vous la refiler,
comme ça, du bout des lèvres."


J'ai trouvé ce très beau poème, dû à Carl Norac (né en1960 à Mons, Belgique), sur le blog de Stéphane Schabrières, "Beauty will save the world".

jeudi 19 mars 2020

Vie et moeurs du mouflon à manchettes / Sylvie E. Salicetti


"Durant le confinement annoncé ce soir, toute activité de groupe étant proscrite, privilégiez les activités autonomes : les fautes d’orthographe, le bêchage des camélias, l’érotisme solitaire. Et pourquoi pas, profitez-en pour cultiver votre connaissance de la faune ? Par exemple, le mouflon à manchettes connu aussi sous le nom de oudade. Pas un mouflon au sens strict. De sorte que voilà un animal avec un nom de faux jeton. Bovidé de la sous-famille des caprinés, on le trouve dans le désert libyque. Ou en Corse, s’il s’est perdu. Étymologiquement, il désigne la «chèvre des sables» en langue antique des Grecs, même si a priori, historiquement aucun mouflon jamais n’est allé se faire voir à Ithaque. Avec la queue, il mesure davantage que sans cette dernière, c’est la raison pour laquelle il ne s’en sépare jamais. Fier, il apprécie les records, en cela proche de son congénère le sapiens sapiens. Sa barbichette, fort élégante, lui donne une allure de jovialité monacale. Quand il réfléchit à un problème mathématique, le mouflon à manchettes parvient jusqu’au nombre deux, tandis que des fumées sortent en tornades par ses oreilles. Il se nourrit de fourmis des Andes, et donc il ne mange rien. Il garde la ligne. D’aspect, l’animal ne ressemble pas à un potiron. Les cornes des jeunes mouflons s’élancent vers l’arrière, dans un mouvement de coiffure yéyé. Celles du mouflon adulte figurent de grandes cornes spiralées qui s’arrêtent juste là où il faut, juste avant de lui crever son propre œil, et ça c’est formidable. Il gambade au gré des chemins corses tortueux, appelés sentiers des chèvres. Malin, il ne présente aucun risque d’être rattrapé par le Coronavirus. D’autant qu’il n’aime pas les foules et ne conduit pas en ville. La femelle du oudade s’appelle la oudadette, plus familièrement surnommée Odette. Odette, se mariant avec le mouflon à manchettes — en grande tenue et boutons de manchettes donc, qui expliquent le nom de l’animal — Odette a fait rompre au mouflon ses vœux monastiques, avec tous les problèmes que cela a posés avec la papauté. Leur progéniture — au rythme un peu chiche d’un petit par portée — s’appelle souvent Dominique, dit Doume."


Sylvie E. Salicetti, qui publie (outre de nombreux recueils) sur son site L'Atelier Numérique, se livre ces jours-ci à un réjouissant exercice qu'elle a intitulé "Ligne du Jour".   Cette description scientifique du mouflon à manchettes est la Ligne n°3.


mercredi 18 mars 2020

A la fenêtre du monde / Jean Lavoué


N'arrache pas l'ivraie de ton tourment
Mais laisse‐la pousser
Comme fleur à ton seuil 
Semis montrant l'étoile
Dans la nuit du vivant !

Bannis l'indifférence 
Suis la voie des villages 
Avec tant d'autres lié
Tu te trouves en partance 
Racines enchevêtrées 
En quête de lumière
Sous l'humus des jours !

Tiens-toi sans effort
Dans l'entrebâillement des heures
Laissant tomber la pluie
Sur tes matins fragiles
Adopte la danse des herbes
Le sommeil des pierres 
L'acclamation des nuages !

Demeure dans l'élan des branches
Et dans la bienveillance du vent
Capable de salutations
De distances aimantes 
Tout en restant très proche 
De mains tournées vers le soleil !

Il te reste tant d'espace à trouver en toi-même 
Tant de secrets à naître
Dans l'éventail du cœur 
Tant de marées patientes
Sur la grève des solitudes
Tant de ruisseaux à écouter 

Tant de musiques aussi
Tant de chants généreux 
Que l'oubli a recouverts
Tant d'hymnes à partager 
Tant de sèves dressées
Sous la courbe du temps 

Qu'un livre s'ouvre en chemin
Un tableau plein d'éclats
De signes et de couleurs 
Et te voilà conduit au-delà de tes peurs
Blessé certes mais debout
Accompagné là où tu refusais d'aller
Dans la cadence de tes pas 
Abandonné mais présent 
Au solstice de ta joie 

Ou bien qu'un poème s'éveille
Le tremblement d'un feuillage 
Le balancement de quelques syllabes
Sous l'aubier du silence
Et te voilà complice de l'oiseau
À l'orchestre des cimes 
Habitant son envol
Entrouvrant la fenêtre du monde 
Familier de l'instant !


Apaisé et programmatique, ce très beau texte a été mis sur son blog, l'Enfance des Arbres, par le poète Jean Lavoué le 15 mars 2020. Il est illustré d'une photo montrant une fenêtre où l'on applaudit, comme l'Italie et l'Espagne en ont lancé l'initiative pour lutter contre le repli sur soi du confinement.

lundi 16 mars 2020

Ce pays-là


Image retrouvée de l'enfance. 
Qui est-elle, cette toute petite fille court vêtue qui se tient tout près de papa, parce que les vaches c'est fascinant mais c'est très gros. Et ça a des cornes...
Je n'ai pas de souvenir de ce moment précis. J'ai quoi ? deux ans ? Trop petite pour les souvenirs.
Mais j'ai cette photo. 
Et j'ai surtout, confusément, tissée dans mes fibres, la mémoire de tout ce dont a été faite mon enfance, et qui comprend des chapeaux qui tiennent trop chaud, des vaches blanches dans les prés, des carottes sauvages plein les fossés, le parfum de la menthe, le regard bienveillant de maman qui prend la photo et la main d'un père attentif. 

Si "on est de son enfance comme on est d'un pays", j'ai de la chance d'être de ce pays-là.



mercredi 11 mars 2020

Marcher / Sylvie Durbec

 
"Piétonne des chemins.
Ainsi ça commence par ces trois mots offerts.
Piétonne des chemins.
Ça se poursuivra. Ça rimera, à tout, à rien, ça ira droit et parfois pas. Sur l'épaule ça zigzaguera ; ça irritera à peine la peau. Les mots s'en enchanteront, non seulement les trois, mais les autres.
Je suis celle-là, dirai-je sans forfanterie, celle-là à qui hier on a dit qu'elle marchera encore longtemps.
Au rythme du poème?
Au souffle heurté de qui n'est plus une jeune poète?
Au rythme du pied, du genou, de la rotule, du fémur, du tibia.
La tête un peu s'y mettra.
Et puis la lettre Z nous accompagnera, clic, cloc, clac.
Et d'autres compagnons encore, sans carte ni papiers.
Pas de cri, ni de hurlement pour traverser les collines.
Un bâton suffit.
Piétonne.
Tonne encore."


Sylvie Durbec, Chronique du vivant (suite), extrait de son blog à  la date du 3 mars 2020.


J'aime ce qu'écrit Sylvie Durbec.
J'aime la manière dont elle ne donne à entendre, quand on a la chance de l'entendre dire.

je découvre son blog d'écriture, Sans patrie, à  aller visiter ici.
http://sanspatrie.blogspot.com/

vendredi 6 mars 2020

Mars...



L'énergie de mars, de ces jours de vent et de renaissance, tempête et printemps mêlés. Je ne m'en lasse pas. Et cette chanson, déjà souvent citée, en reste pour moi la quintessence. 
Je suis une fille de mars, et pour toujours. 


lundi 2 mars 2020

L'espoir hésite


Je range, je trie, je relis, je relie : et je ressors de mon gros carnet de poésie, tout débordant de mots, de feuilles, de post-its, de notules... ce texte, écrit lors d'un rude et résolu été 2016. Ce fut l'une de ces périodes que l'on affronte les dents serrées et le front têtu, sachant pourtant ce qui se tient au bout du combat. Les joies n'en étaient que plus vives.

Je l'associe à une mer démontée, couleur gris de Payne car certains jours, la peine est notre couleur. Je relie l'ensemble en gris. Je colle un titre. Je lisse les pages. Et je classe le tout dans ma bibliothèque. 
C'est ce que l'on fait, avec les souvenirs.



Au bords du jour

barbouillé d’encre



comme on se tient

dans le noir

au bord d’un trou

– c’est peut-être la mer



aux franges

                   aux marges

                              aux lisières







la partie

a perdu

la parole



le combat

a cessé

sans victoire







entre patte de chien

et pelage de loup



entre la mort et le matin



l’espoir hésite.


[L'Espoir hésite avait déjà été publié en cette autre bibliothèque bien rangée qu'est Still Life en septembre 2016. J'avais envie de lui redonner vie. Vous pouvez consulter les anciens posts en allant dans les archives, ou en cliquant sur un des mots-clés, par exemple "poème" en bas de chaque post.]