dimanche 19 décembre 2021

Musique et magie pour enchanter les derniers jours de l'année

 

Je ne me lasse jamais de revoir cet extrait de E la nave va...

Un moment dérobé aux jours rudes, sorti de l'imagination de Fellini le magicien, comme une petite sorcellerie blanche, comme un bouquet de voeux.

Belle fin d'année à vous, toute de douceur, de beauté et d'amitié.


dimanche 5 décembre 2021

Le voyage / Mary Oliver

 


Un jour, tu as su enfin
ce que tu devais faire, et tu t’es lancée,
malgré les voix autour de toi
qui continuaient à crier
leurs mauvais conseils,
malgré toute la maison
qui s’est mise à trembler
et tu as senti la vieille corde
à tes chevilles.
« Répare ma vie ! »
criait chaque voix.
Mais tu ne t’es pas arrêtée.
Tu savais ce que tu devais faire,
malgré le vent qui arrachait
de ses doigts raides
les fondations elles-mêmes,
malgré leur mélancolie,
terrible.
Il était déjà bien
tard, la nuit était agitée
et la route couverte de branches
cassées et de pierres.
Mais peu à peu,
tandis que tu laissais leurs voix
derrière toi,
les étoiles se sont mises à brûler
à travers les couches de nuages
et une nouvelle voix,
que lentement
tu as reconnu comme la tienne,
est venue te tenir compagnie
tandis que tu avançais de plus en plus loin
dans le monde,
déterminée à faire
la seule chose que tu pouvais faire,
déterminée à sauver
la seule vie que tu pouvais sauver.


The Journey

One day you finally knew
what you had to do, and began,
though the voices around you
kept shouting
their bad advice —
though the whole house
began to tremble
and you felt the old tug
at your ankles.
« Mend my life! »
each voice cried.
But you didn’t stop.
You knew what you had to do,
though the wind pried
with its stiff fingers
at the very foundations,
though their melancholy
was terrible.
It was already late
enough, and a wild night,
and the road full of fallen
branches and stones.
But little by little,
as you left their voice behind,
the stars began to burn
through the sheets of clouds,
and there was a new voice
which you slowly
recognized as your own,
that kept you company
as you strode deeper and deeper
into the world,
determined to do
the only thing you could do —
determined to save
the only life that you could save.


Mary Oliver (1935-2019)Dream Work (Atlantic Monthly Press, 1986)  Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carole Hanna.

mercredi 1 décembre 2021

Marguerites / Louise Glück

 

Vas-y : dis ce que tu penses. Le jardin
n’est pas le monde réel. Les machines
sont le monde réel. Dis honnêtement ce que n’importe quel idiot
pourrait lire sur ton visage : nous éviter,
résister à la nostalgie
a du sens. Ce n’est
pas assez moderne, le bruit que fait le vent
dans un champ de marguerites.

(…)

C’est très émouvant,
tout de même, te voir t’approcher
prudemment de la bordure de la prairie au petit matin,
lorsque personne ne peut
te voir. (…) Personne ne veut entendre parler
des impressions du monde de la nature : on se
moquera encore de toi ; on t’affublera de mépris.
Quant à ce que tu entends là,
ce matin : réfléchis à deux fois
avant de confier à quiconque ce qui s’est dit dans ce pré,
et par qui.

 Louise Glück, L’Iris sauvage, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie Olivier, Gallimard, 2020 



Louise Glück a reçu en 2020 le prix Nobel de Littérature.  

Lisez L'Iris sauvage