mercredi 22 janvier 2020

Diario de una piedra

VI
 
"Piedra de secretos
piedra de memoria

          digo

Piedra de paciencia
y de silencio

Sin pena
sin voz
sin esperanza

¿Qué sabes de las lágrimas
qué sabes de ser tierno
qué sabes del amor
qué sabes de la alegría
que podría enseñarte?

VII

- ¿Y con quién hablas,
tú que susurras y gimes
y de qué?
Y por qué?

La lección
la doy yo

Callar es mi lenguaje
el silencio
es mi voz
...

Lo que tengo en el corazón,
dice la piedra
me pertenece."

 
Vous parlez l'espagnol ? Pas moi. 
Et pourtant... Ces sonorités incroyables, à la fois étranges et familières : ce sont les miennes, ce sont mes mots, ceux du Journal d'une pierre, paru en décembre dernier, mis en musique espagnole par Colo qui m'a fait l'amitié de les traduire. 
Expérience troublante : ces mots qui me viennent de si loin que je ne sais pas trop d'où ils me viennent, par la magie d'une traduction, me révèlent un peu plus leur  intimité en même temps que leur distance. Ils chantent...
 
Merci à Colo, infatigable passeuse de mots sur son blog "Espaces, instants", de ce très joli partage. 

• à lire ici  : https://espacesinstants.blogspot.com/2020/01/le-silence-est-ma-voix-el-silencio-es.html#comment-form

Journal  d'une pierre est paru aux éditions de l'Atelier des Noyers.
• https://www.atelierdesnoyers.fr/catalogue/livres/format-portrait-14-8-x-21-cm/journal-d-une-pierre,706

dimanche 5 janvier 2020

Tout est revenu


"Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. J’aurais toujours voulu aller plus loin, plus haut et plus profond et me défaire du filet qui m’emprisonnait dans ses mailles. Mais quoi, au bout de tous mes mouvements, le temps me ramenait toujours devant la même porte. Sous les feuilles de la forêt, sous les gouttières de la ville, dans les mirages du désert ou dans la campagne immobile, toujours cette porte fermée – ce portrait d’homme au masque moulé sur la mort, l’impasse de toute entreprise. C’est alors que s’est élevé le chant magique dans les méandres des allées. Les hommes parlent. Les hommes se sont mis à parler et le bonheur s’épanouit à l’aisselle de chaque feuille, au creux de chaque main pleine de dons et d’espérance folle. Si ces hommes parlent d’amour, sur la face du ciel on doit apercevoir des mouvements de traits qui ressemblent à un sourire. Les chaînes sont tombées, tout est clair, tout est blanc – les nuits lourdes sont soulevées de souffles embaumés, balayées par d’immenses vagues de lumières. L’avenir est plus près, plus souple, plus tentant. Et, sur le boulevard qui le lie au présent, un long, un lourd collier de cœurs ardents comme ces fruits de peur qui balisent la nuit à la cime des lampadaires."
 

Pierre Reverdy, La liberté des mers (1960)