A écouter, dans le silence et pour la joie du coeur.
Merci à Julie Dratwiak pour la lecture qu'elle nous offre de ce texte lumineux.
A écouter, dans le silence et pour la joie du coeur.
Merci à Julie Dratwiak pour la lecture qu'elle nous offre de ce texte lumineux.
Un ami poète m'envoie ce jour la photocopie d'une page inédite de René Guy Cadou.
Emotion.
Et cadeau que j'ai envie de partager avec vous...
Mon Dieu, apprenez-moi à prier
Comme l’enfant s’appuie à des châteaux de sable
Je reste là devant ma table
Ne sachant pas encore où s’en iront mes mains
Je puis parler
J’en ai lavé des plaies sur mon chemin
J’ai travaillé pour vous sans jamais vous le dire
Vous auriez pu vous en douter à mon sourire
A mon regard toujours tourné vers le matin
Aujourd’hui je vous demande en grâce
De m’apprendre à lever les yeux vers votre face
De me rendre semblable aux bêtes de lumière
Je saurai bien
J’ai vu les oiseaux sur la mer
Mon Dieu écoutez moi ce n’est pas pour me plaindre
C’est à travers la joie que je veux vous atteindre
Pour tous ceux qui sont loin de vous
Pour tous ceux qui n’ont pas su se mettre à genoux
Pour moi et pour Elle surtout
Je vous demande de m’entendre
Nous voulons seulement par un peu de douleur
Rejoindre notre amour et confondre en douceur
Le dernier survivant de l’Ange sur la terre
Seigneur dites-nous comment faire
Donnez l’espoir à ceux qui n’ont
Pour argument que votre Nom.
René-Guy Cadou, poème inédit
Chaque année, nous avons vu
comment
le monde sombre
dans une argile riche, afin
de renaître.
Alors
pourquoi crier
aux pétales tombés sur le sol
de rester là,
quand on sait (et il faut le savoir)
combien la vitalité de ce qui a été, est soeur
de la vitalité de ce qui sera ?
Je ne dis pas
que c'est facile, mais
que faire d'autre
quand on prétend que l'amour que l'on porte au monde
est sincère ?
Alors, continuons, aussi joyeux que possible,
aujourd'hui, et que chaque jour croustille,
même si le soleil oscille vers l'est,
que les étangs sont froids et noirs,
et que les douceurs de l'année sont condamnées.
...
Lines Written in the Days of Growing Darkness
Every year we have been
witness to it: how the
world descends
into a rich mash, in order that
it may resume.
And therefore
who would cry out
to the petals on the ground
to stay,
knowing, as we must,
how the vivacity of what was, is married
to the vitality of what will be?
I don’t say
it’s easy, but what
else will do
if the love one claims to have for the world
be true?
So let us go on, cheerfully enough,
this and every crisping day,
though the sun be swinging east,
and the ponds be cold and black,
and the sweets of the year be doomed.
Mary Oliver (1938 - 2019) 2012, trad. Patrick Thonart, 2023
Je vous souhaite de continuer, joyeuses et joyeux,
en dépit de l'obscurité qui menace,
avec dans le coeur tout l'amour du monde.
Bonne année 2025 à toutes et à tous !
Every year we have been
witness to it: how the
world descends
into a rich mash, in order that
it may resume.
And therefore
who would cry out
to the petals on the ground
to stay,
knowing, as we must,
how the vivacity of what was, is married
to the vitality of what will be?
I don’t say
it’s easy, but what
else will do
if the love one claims to have for the world
be true?
So let us go on, cheerfully enough,
this and every crisping day,
though the sun be swinging east,
and the ponds be cold and black,
and the sweets of the year be doomed.
Every year we have been
witness to it: how the
world descends
into a rich mash, in order that
it may resume.
And therefore
who would cry out
to the petals on the ground
to stay,
knowing, as we must,
how the vivacity of what was, is married
to the vitality of what will be?
I don’t say
it’s easy, but what
else will do
if the love one claims to have for the world
be true?
So let us go on, cheerfully enough,
this and every crisping day,
though the sun be swinging east,
and the ponds be cold and black,
and the sweets of the year be doomed.
Connaissez-vous les "enquêtes à la manière des magazines féminins" qu'avait rédigées Guillevic (publiées en 1964 dans le magazine Strophes) ? Elles font mes délices et commencent ainsi :
Enquête n°1 :
est-ce que la lumière vous a fait mal ?
est-ce que parfois la lumière vous emporte ?
est-ce que c’est toujours la même lumière ?
enquête n°2 :
avez-vous une fleur que vous préférez ?
la fleur le sait-elle ?
d’après vous comment l’aura-t-elle appris ?
enquête n°3 :
la force de qui, la force de quoi, rêvez-vous d’avoir ?
et c’est pour quoi faire ?
enquête n°4 :
est-ce que le futur est pour vous présent ?
est-il un plafond auquel vous cognez ?
est-il autre chose, est-il familier ?
s’il prend trop de place où vous mettez-vous ?
enquête n°5 :
avez-vous été l’herbe que l’on foule ?
savez-vous pourquoi l’on passait par là ?
Cela fait plus de deux ans qu'on en rêve, plus d'un an qu'on y travaille. Mes pinceaux n'ont pas beaucoup eu le temps de refroidir ces douze derniers mois ! Ils sortent tout juste de chez l'imprimeur et avec Claire Delbard, mon éditrice de l'Atelier des Noyers on est à la fois très fières et très impatientes de vous les présenter...
Les Quatre saisons de la vigne (une aquarelliste, quatre écrivains) se déclineront en quatre magnifiques carnets. La préface, et nous en sommes très honorées, est d'Aubert de Villaine, du domaine de la Romanée.
Voici donc les deux premiers venus :
- L'Été, sur un texte de la grande poétesse belge Colette Nys-Mazure.
- Le Printemps, accompagné des mots sensibles du (bourguignon) Christian Sapin.
[Quatre saisons de la vigne éditions de l'Atelier des Noyers, septembre 2024, chaque saison au format A5, 64 p., 16 €]
Il a également été tiré de chaque carnet une série de 10 cartes postales à partir d'aquarelles réalisées pour ces ouvrages.
Les livres peuvent être commandés dans toutes les librairies ainsi que sur le site des éditions : https://www.atelierdesnoyers.fr/
20 juin, journée mondiale des Réfugiés
Fille de migrants, WARSAN SHIRE se souvient.
Née au Kenya de parents somaliens, elle arrive en Grande-Bretagne à l'âge de un an. Elle est
diplômée d'un Bachelor of Arts in Creative Writing. En 2015, elle réside à Londres.
Personne ne quitte sa maison
A moins d’habiter dans la gueule d’un requin.
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge.
Celui qui t’a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui.
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
Personne ne quitte sa maison
A moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre.
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sentir les menaces brulantes de la lame
Contre ton cou.
Et même alors tu conservais l’hymne national
A portée de souffle
Ce n’est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre.
Personne ne brûle ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon
Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d’un camion
Avec rien à bouffer que du papier journal
A moins que chaque kilomètre parcouru
Compte plus qu’un simple voyage.
Personne ne rampe sous des barrières
Personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié.
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C’est mieux que tout un camion
De types qui ressemblent à ton père.
Personne ne peut le supporter
Personne ne peut digérer ça
Aucune peau n’est assez tannée pour ça.
Alors tous les :
« A la porte les réfugiés noirs
Sales immigrants
Demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays,
Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage,
Ils ont foutu la merde dans leur propre pays
Et maintenant ils veulent
Foutre en l’air le nôtre »
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups
Sont beaucoup plus doux
Que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que quatorze types entre tes jambes.
Et les insultes sont plus faciles
A avaler
Que les gravats
Que les morceaux d’os
Que ton corps d’enfant
Mis en pièces.
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est la gueule d’un requin
Ma maison est le canon d’un fusil.
Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d’en être chassé jusqu’au rivage
A moins que ta propre maison te dise :
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille :
Pars
Fuis moi.
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici.