dimanche 28 avril 2019

Ecrire au dessus du vide / Alexis Jenni

Lu cette semaine un petit livre magnifique d'Alexis Jenni, prix Goncourt 2011 pour L'art français de la guerre et dont j'apprécie souvent les essais. Dans Prendre la parole (aux éditions du Sonneur, 2019), il raconte comment, enfant "muet, bègue puis embarrassé", il a conquis la parole et / par l'écriture. Ce qu'il dit du geste d'écrire (ici grâce à une vieille machine à écrire) est une pure merveille : 

"... c'était comme si je marchais sans me presser, comme si je parlais phrase après phrase, et un texte progressivement se déployait grâce au rythme, grâce aux chocs, grâce aux coups. J'avançais dans le non-encore-dit, je marchais lentement dans le vide sans aucune appréhension, et le chemin apparaissait à temps sous mes pas. J'avançais au-dessus de rien, et au moment où je posais le pied je sentais le contact ferme du sol qui un instant avant n'y était pas. "Quand j'écris, je parviens même à comprendre quelque chose. Je comprends au moment où j'écris, pas au moment précédent", affirme Erri De Luca. Mais écrire c'est toujours ça : dire ce qu'on ne savait pas avant de le dire, c'est pour ça qu'on écrit, c'est même exactement le rôle de l'écriture littéraire. (...) Ce n'est pas l'idée qui tire, c'est la confiance qui pousse, on fait alors le pas en attendant rien, car avant de le faire il n'y a rien, et le faire, c'est trouver ce qui se dit."

Je viens, ce jour, de poser le point final à un manuscrit. L'impression d'avoir bâti un pont au-dessus du vide, d'avoir trouvé un chemin là où je n'en devinais aucun, d'avoir trouvé un trésor sans que j'aie eu l'idée de sa nature... oui : je ne l'avais jamais formulé mais "c'est pour ça qu'on écrit".




vendredi 26 avril 2019

En mai, publie ce qu'il te plaît



Poème de nostalgie et de combat, La bataille des Coquelicots paraît ce mois de mai aux éditions de l'Atelier des Noyers. J'ai illustré avec un grand plaisir les mots rouges de Claire Delbard.

Pétales au vent
Rouges, fragiles
Saisissants

Sauvez les coquelicots
Coque lit
Coque sur l'eau
J'aime les coquelicots...



Cartes postales et tirages numériques numérotés et signés accompagnent, comme toujours, la parution de ce nouvel opus, mon quatrième à l'Atelier. C'est le printemps !

• Claire Delbard, Anne Le Maître, La bataille des Coquelicots,  48 p., 10 € (format 10,5 x 15 cm) 
• site (vente) de l'Atelier des Noyers, cliquez ICI.
 

samedi 20 avril 2019

Enfance / Pierre Cendors

 
"On dit que les premières années de l'enfance sont les plus importantes, celles qui déterminent le reste de l'existence. On dit sans doute vrai, mais on ne vous dit pas pourquoi c'était important. Ce n'était pas d'être un enfant qui était important dans mon enfance, c'était autre chose. Je ne sais plus ce que c'était. Les jeux d'enfants m'intéressaient peu. J'aimais ce qui était silencieux, ce qui ne parlait pas. Les arbres, la neige, la pluie, la brume, le vent. Je crois que c'était ça le plus important. Un monde qui ne parlait pas. Un monde d'avant la parole. Un monde sans le bruit de l'homme. Un premier monde. Le monde des commencements, le monde silencieux des premières neiges, de la fonte printanière des lumières, de la fraîcheur tombale des forêts d'été, le monde aux sombres tonales venteuses des nuits d'automne. C'était ça mon premier langage."

[In La vie posthume d'Edward Markham, Le Tripode, 2018]

jeudi 18 avril 2019

Incandescence / Pierre Cendors


« la poésie passe au tamis le paillettement du réel pour en extraire l'incandescence pure. Elle écarte la flamme pour se saisir du feu. Seul me touche ce qui me brûle. »

Ces mots sont de Pierre Cendors,  poète, écrivain et voyageur franco-irlandais né en 1968, que mon excellent libraire et ami de la poésie, Julien, vient de me faire découvrir. A lire (entre autres) : Les Hauts bois, paru en 2013 chez Isolato. je vais creuser la question.

Nous
ombres immémoriales
aux lenteurs de cimes
déjà l'heure s'attendrit
dans les hauteurs Homme
nous sommes d'une même nuit
Ô nés d'un monde invisible
qui s'évade en vie

Nous sommes
de l'invisible
pour l'homme

notre ici
lui est
un ailleurs