dimanche 31 janvier 2021

Le même ciel / Bazille

 

Frédéric Bazille (1841/1870)

Envoyé à Colette  Nys-Mazure par un de ses amis 

en réaction à l'une des illustrations de notre carnet :

 Jeu d'échos... Je ne connaissais pas Bazille, 

mais il est vrai qu'à quelques années d'écart, 

nous regardons le même ciel (puisqu'il n'y en a qu'un).


dimanche 24 janvier 2021

N'oubliez pas / Rosa Luxemburg

« Une seule chose me fait souffrir : devoir profiter seule de tant de beauté. Je voudrais crier par-dessus le mur : je vous en prie, faites attention à ce jour somptueux ! N'oubliez pas, même si vous êtes occupés, même si vous traversez la cour à la hâte, absorbés par vos tâches urgentes, n'oubliez pas de lever un instant la tête et de jeter un oeil à ces immenses nuages argentés, au paisible océan bleu dans lequel ils nagent. Faites attention à cet air plein de la respiration passionnée des dernières fleurs de tilleul, à l'éclat et la splendeur de cette journée, parce que ce jour ne reviendra jamais, jamais ! Il vous est donné comme une rose ouverte posée à vos pieds, qui attend que vous la preniez, et la pressiez contre vos lèvres. »

Socialiste engagée, pacifiste opposée à la guerre de 14-18, l'allemande Rosa Luxemburg passa l'essentiel des années de guerre en prison. Il nous en reste des lettres lumineuses, que je découvre ces jours-ci par la grâce de l'amitié. Leur force, leur pertinence, leur lumière m'émerveillent.


lundi 11 janvier 2021

En guise de voeux pour l'année qui commence / Desnos

 

Âgé de cent mille ans, j’aurais encor la force
De t’attendre, ô demain pressenti par l’espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : Le matin est neuf, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l’oreille
À maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore
Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent. 

 

Robert Desnos, 1942

dimanche 3 janvier 2021

Echapper / Segalen

 Perdre le Midi quotidien ; traverser des cours, des arches, des
ponts ; tenter les chemins bifurqués ; m'essouffler aux marches,
aux rampes, aux escalades ;


Eviter la stèle précise ; contourner les murs usuels ; trébucher
ingénument parmi ces rochers factices ; sauter ce ravin ; m'attarder
en ce jardin ; revenir parfois en arrière,

Et par un lacis réversible égarer enfin le quadruple sens des
Points du Ciel.

*

Tout cela, - amis, parents, familiers et femmes, - tout cela, pour
tromper aussi vos chères poursuites ; pour oublier quel coin de
l'horizon carré vous recèle,

Quel sentier vous ramène, quelle amitié vous guide, quelles bontés
menacent, quels transports vont éclater.

*

Mais, perçant la porte en forme de cercle parfait ; débouchant
ailleurs : (au beau milieu du lac en forme de cercle parfait, cet
abri fermé, circulaire, au beau milieu du lac, et de tout,)

Tout confondre, de l'orient d'amour à l'occident héroïque, du midi
face au Prince au nord trop amical, - pour atteindre l'autre, le
cinquième, centre et Milieu

Qui est moi.
 
 
Victor Segalen, Stèles.