« Ecrire «le ciel est bleu» n’est possible qu'à force
d’avoir vu le ciel bleu sans l'écrire. Ou bien on a essayé, raté. Et
puis un matin, les mots cherchent le ciel, alors qu’il n’a rien de plus
bleu que les autres. Le présent est épais, et s’il ne l’est pas assez
pour libérer un poème, il vaut mieux le laisser passer, jusqu’à ce qu’il
épaississe encore. Attendre : aucun poème n’est nécessaire, sauf celui
qui s’écrit de lui-même, dans l’élan d’un moment, maintenant, souvent
préparé par une longue patience. En cela, un poète travaille sans cesse,
même quand il semble ne rien faire sinon vivre, regarder, sentir. Mais
ça, c’est un peu compliqué à expliquer aux autres, que l’on travaille
en ne faisant rien. »
Antoine Emaz, D'écrire, un peu, éditions Aencrages.