..."Il y avait aussi et surtout la cérémonie du bain, les deux bassines de
zinc, une grande et une petite, une ronde et une ovale dans lesquelles nous nous
plongions pour la toilette du soir. Emplies à la main d’une eau patiemment
chauffée dans deux bouilloires de fer blanc, j’en sens encore sur ma peau le
singulier contact un peu râpeux, un peu crissant du métal gris. On les
installait sur la galerie ou mieux, sur le sable de la terrasse encore chaud de
soleil et ma sœur et moi barbotions, chacune dans la sienne, nous arrosant
mutuellement en pouffant de rire dès que l’adulte de service nous quittait des
yeux.
Combien d’étés ont-ils duré, ces bains de plein air ? Ma bassine
n’était pas si grande que j’y tins dix ans... Mais le temps de l’enfance est un
temps éternel. Quand je regarde aujourd’hui, reléguées dans l’écurie,
accrochées aux chevrons au-dessus du ballon d’eau chaude d’une écrasante
modernité qui a mis fin aux corvées de bouilloires, la bassine ronde et la
bassine ovale, je me prends à sourire avec tendresse à la pensée des ces deux
petites demoiselles immergées dans leur cuve comme des langoustes dans une
casserole : un jour j’ai eu cette taille.
Naguère, ma petite sœur tenait tout entière dans ces dix litres d’eau.
Deux images en négatif, deux trous creusés dans le métal, dans lesquels
notre enfance a laissé son empreinte. Deux petits fantômes nus, tout luisants
de savon, qui courent avec ivresse et leurs pieds laissent sur le carreau des
empreintes humides."
[Extrait de Tous les jours l'été, texte auquel j'ai travaillé ces derniers mois, qui sort la semaine prochaine aux éditions de La Renarde Rouge.]
Nice excerpt--- Leaves me wanting more.
RépondreSupprimerJ adore !🙂
RépondreSupprimerVraiment beau.
RépondreSupprimerTous mes voeux à votre prochain livre.
Bon dimanche.
C'est touchant, les images surgissent de tes mots... Bravo Anne, à bientôt. brigitte
RépondreSupprimerTrès bel extrait pour découvrir ce nouveau titre, très beau aussi ! Félicitations & bon succès, Anne.
RépondreSupprimerSouvenirs pour semer les galets du passé sur les sentiers de l'avenir
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