Un jour, tu as su enfin
ce que tu devais faire, et tu t’es lancée,
malgré les voix autour de toi
qui continuaient à crier
leurs mauvais conseils,
malgré toute la maison
qui s’est mise à trembler
et tu as senti la vieille corde
à tes chevilles.
« Répare ma vie ! »
criait chaque voix.
Mais tu ne t’es pas arrêtée.
Tu savais ce que tu devais faire,
malgré le vent qui arrachait
de ses doigts raides
les fondations elles-mêmes,
malgré leur mélancolie,
terrible.
Il était déjà bien
tard, la nuit était agitée
et la route couverte de branches
cassées et de pierres.
Mais peu à peu,
tandis que tu laissais leurs voix
derrière toi,
les étoiles se sont mises à brûler
à travers les couches de nuages
et une nouvelle voix,
que lentement
tu as reconnu comme la tienne,
est venue te tenir compagnie
tandis que tu avançais de plus en plus loin
dans le monde,
déterminée à faire
la seule chose que tu pouvais faire,
déterminée à sauver
la seule vie que tu pouvais sauver.
The Journey
One day you finally knew
what you had to do, and began,
though the voices around you
kept shouting
their bad advice —
though the whole house
began to tremble
and you felt the old tug
at your ankles.
« Mend my life! »
each voice cried.
But you didn’t stop.
You knew what you had to do,
though the wind pried
with its stiff fingers
at the very foundations,
though their melancholy
was terrible.
It was already late
enough, and a wild night,
and the road full of fallen
branches and stones.
But little by little,
as you left their voice behind,
the stars began to burn
through the sheets of clouds,
and there was a new voice
which you slowly
recognized as your own,
that kept you company
as you strode deeper and deeper
into the world,
determined to do
the only thing you could do —
determined to save
the only life that you could save.
Mary Oliver (1935-2019) – Dream Work (Atlantic Monthly Press, 1986) Traduit de l’anglais (États-Unis) par Carole Hanna.
Très belle découverte 🙂
RépondreSupprimermerci pour ce poème qui dit tellement bien l'importance d'être fidèle à soi-même malgré les voix qui s'opposent et tentent de retenir ... oser suivre sa voie malgré les oiseaux de mauvaise augure .
RépondreSupprimerMerci encore pour cette belle découverte
Une découverte récente pour moi aussi. Beaucoup des textes de cette poétesse me parlent et je me promets d'explorer sa vie et sa poésie plus en détail. Heureuse de la partager avec vous.
RépondreSupprimerFinding one's own voice is so important-- not just in the arts, but in all life. Thanks for sharing this.
RépondreSupprimerNotre chemin est tellement aléatoire...
RépondreSupprimer"n jour, tu as su enfin
ce que tu devais faire, et tu t’es lancée,
malgré les voix autour de toi
qui continuaient à crier
leurs mauvais conseils,
malgré toute la maison
qui s’est mise à trembler
et tu as senti la vieille corde
à tes chevilles.
« Répare ma vie ! »
criait chaque voix.
des mots qui me parlent au coeur...
Très beau - et j'y entends comme un écho du nouveau roman de Marie Gillet.
RépondreSupprimerÊtre soi, s'honorer, se respecter, émerger d'un chaos intérieur... pour savoir qui l'on est vraiment et savoir vers où aller... Ces mots sont splendides, très forts, merci Anne pour ce cadeau, je t'embrasse. brigitte
RépondreSupprimerMerci Anne, une voix de femme, la voie d'une femme qui se sauve en se sauvant loin...C'est très émouvant.
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