20 juin, journée mondiale des Réfugiés
Fille de migrants, WARSAN SHIRE se souvient.
Née au Kenya de parents somaliens, elle arrive en Grande-Bretagne à l'âge de un an. Elle est
diplômée d'un Bachelor of Arts in Creative Writing. En 2015, elle réside à Londres.
Personne ne quitte sa maison
A moins d’habiter dans la gueule d’un requin.
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge.
Celui qui t’a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui.
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
Personne ne quitte sa maison
A moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre.
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sentir les menaces brulantes de la lame
Contre ton cou.
Et même alors tu conservais l’hymne national
A portée de souffle
Ce n’est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre.
Personne ne brûle ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon
Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d’un camion
Avec rien à bouffer que du papier journal
A moins que chaque kilomètre parcouru
Compte plus qu’un simple voyage.
Personne ne rampe sous des barrières
Personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié.
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C’est mieux que tout un camion
De types qui ressemblent à ton père.
Personne ne peut le supporter
Personne ne peut digérer ça
Aucune peau n’est assez tannée pour ça.
Alors tous les :
« A la porte les réfugiés noirs
Sales immigrants
Demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays,
Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage,
Ils ont foutu la merde dans leur propre pays
Et maintenant ils veulent
Foutre en l’air le nôtre »
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups
Sont beaucoup plus doux
Que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que quatorze types entre tes jambes.
Et les insultes sont plus faciles
A avaler
Que les gravats
Que les morceaux d’os
Que ton corps d’enfant
Mis en pièces.
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est la gueule d’un requin
Ma maison est le canon d’un fusil.
Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d’en être chassé jusqu’au rivage
A moins que ta propre maison te dise :
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille :
Pars
Fuis moi.
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici.
Heartbreaking.
RépondreSupprimerno one leaves home unless
Supprimerhome is the mouth of a shark
you only run for the border
when you see the whole city running as well
your neighbors running faster than you
breath bloody in their throats
the boy you went to school with
who kissed you dizzy behind the old tin factory
is holding a gun bigger than his body
you only leave home
when home won’t let you stay.
no one leaves home unless home chases you
fire under feet
hot blood in your belly
it’s not something you ever thought of doing
until the blade burnt threats into
your neck
and even then you carried the anthem under
your breath
only tearing up your passport in an airport toilets
sobbing as each mouthful of paper
made it clear that you wouldn’t be going back.
you have to understand,
that no one puts their children in a boat
unless the water is safer than the land
no one burns their palms
under trains
beneath carriages
no one spends days and nights in the stomach of a truck
feeding on newspaper unless the miles travelled
means something more than journey.
no one crawls under fences
no one wants to be beaten
pitied
no one chooses refugee camps
or strip searches where your
body is left aching
or prison,
because prison is safer
than a city of fire
and one prison guard
in the night
is better than a truckload
of men who look like your father
no one could take it
no one could stomach it
no one skin would be tough enough
the
go home blacks
refugees
dirty immigrants
asylum seekers
sucking our country dry
niggers with their hands out
they smell strange
savage
messed up their country and now they want
to mess ours up
how do the words
the dirty looks
roll off your backs
maybe because the blow is softer
than a limb torn off
or the words are more tender
than fourteen men between
your legs
or the insults are easier
to swallow
than rubble
than bone
than your child body
in pieces.
i want to go home,
but home is the mouth of a shark
home is the barrel of the gun
and no one would leave home
unless home chased you to the shore
unless home told you
to quicken your legs
leave your clothes behind
crawl through the desert
wade through the oceans
drown
save
be hunger
beg
forget pride
your survival is more important
no one leaves home until home is a sweaty voice in your ear
saying-
leave,
run away from me now
i dont know what i’ve become
but i know that anywhere
is safer than here
Merci!
RépondreSupprimerTerrible, si vrai. Merci.
RépondreSupprimerUn poème plus qu'émouvant...
RépondreSupprimer"Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille :
Pars
Fuis moi.
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici."
Fatou Diomé a écrit
"pour un peu de pain,
ils entonnent le refrain:
France, france
So far away...
errance!
A la place du mil, ils ont semé des pas,
Des pas qui vont nul ne sait où,
derrière le jour, le rêve féconde la nuit...
... Les sacs plein d'espoir,
ils avancent dans le noir...
...Ils se souviennent: famille, amis, mélodies, les joies d'avant...
Déjà ils regrettent les mets, les mots, leur terre natale
mais les larmes ravalées, ils s'en vont s'en se retourner..."
Merci Marie.
SupprimerCes mots me semblent si vrais, ma peine est si profonde pour ces gens qui fuient, qui subissent, notre monde manque totalement d'empathie... il nous faut traverser l'épreuve main dans la main. À bientôt Anne. brigitte
RépondreSupprimerSuperbe Anne ! Et tellement réaliste...Merci !
RépondreSupprimerQuel texte fort ! Merci, Anne.
RépondreSupprimerWow , quel texte ! Merci Anne pour le partage :)
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