dimanche 20 juin 2021

La joie du grimpereau (pour un texte à venir)

 

"Tu réfléchissais, ce matin. Tu étais dans les meilleures conditions qui soient pour ce faire, assise sous le cerisier, ton café brûlant entre les mains. Dans le sapin voisin, un grimpereau chantonnait allègrement en partant à l’assaut du tronc, minuscule boule – un grimpereau pèse moins de dix grammes – de joie et d’énergie. Il était à peine six heures. Les cerises pendaient sous les feuilles en goutte de sang, comme dans la chanson.

Mais avais-tu réellement le droit, t’inquiétais-tu, de prêter à cet oiseau la joie qui te gonflait le cœur ? N’était-ce pas là une projection, une vue de l’esprit – une paresse, même ?

Ou bien fallait-il penser que la joie qui était la tienne en ce matin de juin couleur d’azur et de cerise se nourrissait de la joie de l’oiseau ? Qu’il en était, sinon l’origine – tu avais ce matin-là d’autres motifs d’être joyeuse – du moins l’écho parfait, l’expression la plus juste qu’il te serait jamais donné d’atteindre ?

Et pourquoi donc n’aurait-il pas été joyeux, bien campé sur son territoire de prédilection, avec pour perspective l’arpentage vertical méthodique d’une écorce d’épicéa gorgée de délicieuses larves et de moucherons juteux, le soleil en ligne de mire et pour toute compagnie, hormis la mienne, celle de quelques merles débonnaires ?

Résonance : oui, vos deux joies se faisaient écho, jusqu’à n’en plus faire qu’une dans la louange du matin."

 

 

6 commentaires:

  1. Très beau texte, merci de le partager, Anne. (Je ne connaissais pas le grimpereau, j'espère l'observer un jour.)

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  2. C'est un texte ravissant, en le lisant on a vraiment envie de chanter.

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  3. Superbe !merci pour cette joie communicative 🙂

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  4. Une joie que l'on peut ressentir, parfois!

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