jeudi 19 mars 2020

Vie et moeurs du mouflon à manchettes / Sylvie E. Salicetti


"Durant le confinement annoncé ce soir, toute activité de groupe étant proscrite, privilégiez les activités autonomes : les fautes d’orthographe, le bêchage des camélias, l’érotisme solitaire. Et pourquoi pas, profitez-en pour cultiver votre connaissance de la faune ? Par exemple, le mouflon à manchettes connu aussi sous le nom de oudade. Pas un mouflon au sens strict. De sorte que voilà un animal avec un nom de faux jeton. Bovidé de la sous-famille des caprinés, on le trouve dans le désert libyque. Ou en Corse, s’il s’est perdu. Étymologiquement, il désigne la «chèvre des sables» en langue antique des Grecs, même si a priori, historiquement aucun mouflon jamais n’est allé se faire voir à Ithaque. Avec la queue, il mesure davantage que sans cette dernière, c’est la raison pour laquelle il ne s’en sépare jamais. Fier, il apprécie les records, en cela proche de son congénère le sapiens sapiens. Sa barbichette, fort élégante, lui donne une allure de jovialité monacale. Quand il réfléchit à un problème mathématique, le mouflon à manchettes parvient jusqu’au nombre deux, tandis que des fumées sortent en tornades par ses oreilles. Il se nourrit de fourmis des Andes, et donc il ne mange rien. Il garde la ligne. D’aspect, l’animal ne ressemble pas à un potiron. Les cornes des jeunes mouflons s’élancent vers l’arrière, dans un mouvement de coiffure yéyé. Celles du mouflon adulte figurent de grandes cornes spiralées qui s’arrêtent juste là où il faut, juste avant de lui crever son propre œil, et ça c’est formidable. Il gambade au gré des chemins corses tortueux, appelés sentiers des chèvres. Malin, il ne présente aucun risque d’être rattrapé par le Coronavirus. D’autant qu’il n’aime pas les foules et ne conduit pas en ville. La femelle du oudade s’appelle la oudadette, plus familièrement surnommée Odette. Odette, se mariant avec le mouflon à manchettes — en grande tenue et boutons de manchettes donc, qui expliquent le nom de l’animal — Odette a fait rompre au mouflon ses vœux monastiques, avec tous les problèmes que cela a posés avec la papauté. Leur progéniture — au rythme un peu chiche d’un petit par portée — s’appelle souvent Dominique, dit Doume."


Sylvie E. Salicetti, qui publie (outre de nombreux recueils) sur son site L'Atelier Numérique, se livre ces jours-ci à un réjouissant exercice qu'elle a intitulé "Ligne du Jour".   Cette description scientifique du mouflon à manchettes est la Ligne n°3.


2 commentaires:

  1. It 's maybe not easy to understand with the translation, Agnes, but this text is a funny and poetic one, not a scientific one. That's why it makes me lough and dream.
    Have a good day,

    ANNE

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  2. C'est excellent, j'aime lire ces "délires" poétiques et imagés. Merci Anne de propager cette onde joyeuse. Bises ensoleillées. brigitte

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