jeudi 8 octobre 2020

Louise Glück : let's celebrate !

 

Une femme. 

Une poétesse. 

Qui écrit sur les mauvaises herbes, les coquelicots et les ciels changeants... 

Comment voulez-vous que je ne me sente pas heureuse du choix de l'académie Nobel, qui vient de distinguer l'américaine Louise Glück pour son prix de littérature ? Pensez qu'on aurait pu avoir Houellebecq ! cela n'aurai pas envoyé le même message... Je préfère (pour une fois) vivre dans un monde qui ose, même tout bas, même en sourdine, de célébrer les femmes et les herbes folles.

Quelque chose
vient au monde sans y avoir été invité
provoquant le désordre, le désordre –
Si tu me hais tant,
ne t’embête pas à me donner
un nom : as-tu besoin
d’une autre insulte
dans ta langue, une autre
façon de blâmer
une tribu pour tout –
comme nous le savons tous les deux,
pour adorer
un seul dieu, on a besoin
d’un seul ennemi –
Je ne suis pas l’ennemi.
Seulement une ruse qui te permet de te détourner
de ce que tu vois en train de se passer
ici même, dans ce lit,
petit paradigme
de l’échec. Ici, presque chaque jour
l’une de tes précieuses fleurs
meurt et tu ne trouveras le repos
qu’après avoir assailli la raison, en d’autres termes :
tout ce qui reste, tout ce qui se sera
avéré plus robuste
que ta passion personnelle –
Ce n’était pas supposé
durer éternellement dans le monde réel.
Mais pourquoi l’admettre alors que tu peux continuer
à faire ce que tu as toujours fait,
le deuil et les reproches,
toujours les deux ensemble.
Je n’ai pas besoin de tes louanges
pour survivre. J’étais là en premier,
avant toi, avant
même que tu aies planté le jardin.
Et je serai là, alors qu’il ne restera que le soleil, la lune,
la mer et la grande prairie.
Je serai la prairie.
 
Louise Glück, "Herbes folles", in The Wild Iris, 1993 (prix Pulitzer), traduction de Marie Olivier.