vendredi 29 novembre 2019

Responsabilité


"L’Art est sans doute ce chemin d’absolue liberté, et nous ne pouvons en brûler les ronces, les herbes mauvaises, sans bien contempler la terre que nous avons sous les pieds. Oui nous sommes comptables de nos paroles et de nos actes dans une époque où parler à la légère est le credo, agir en portant tort, le principe de base. Il y a une voix dans la parole que nous ne devrions jamais trahir. Écrire, c’est se sentir près de cette voix, comme entre les bras d’une mère. Celui qui trahit sa mère, trahit ce qui le fonde. Les mensonges aujourd’hui sont devenus des montagnes. "

Joël Vernet, Carnets du lent chemin,Copeaux ( 1978-2016)
La rumeur libre éditions, 2019, p.18.
[cité par Sylvie-E. Saliceti, sur son blog à consulter ICI.]

lundi 25 novembre 2019

Entre deux saisons... / Didier Mény


Entre deux saisons
Le temps d'apprendre le vent et les marées
Le ciel et l'argile
Le cri et le frisson

Les mots et les vins 
Le temps d'un fruit et d'une cicatrice
Une branche qui plie
La ride de l'écorce
Et déjà il est tard
Pour être sage


Didier Mény, Les oublis du vent,
avec des illustrations de Dan Steffan, Atelier des Noyers,  2019.


samedi 16 novembre 2019

Une lecture... / Marion Muller-Colard


"Peu importe l'heure à Sylvia, et d'ailleurs l'heure importait peu à Bastien. Parfois oui, si tôt le matin, elle l'avait déjà habillé et on pouvait voir leur ombre commune ramper sur les pavés. Ces deux-là glissaient sur le petit matin et tous les matins étaient de givre, prêts à casser, résistants pourtant. Les aubes étaient une fine couche de glace émergée de la nuit à la surface du jour, trois vrilles de merle et elle rompait. Alors jaillissait la nécessité. Les regards, les échanges humains, les doléances, les listes, l'intrusion permanente des choses à faire qui cognent à coup de bélier dans le noyau dur de l'âme, cet endroit à soi qui se passerait si volontiers de choses à faire. Les promenades matinales de Sylvia et Bastien ne répondaient à aucune loi, aucune nécessité, elles étaient leur poche d'air, pure gratuité. Étaient-ils un seul corps ou bien deux ? Avait-on jamais vu si bel accord de cadences dans une promenade ?..."


J'ai déjà évoqué en ces pages Marion Muller-Colard, théologienne protestante, pasteur, écrivaine et auteure (cette énumération est, ce n'est pas un hasard, un défi aux règles de féminisation des noms de métiers) de livres qui me bouleversent chaque fois : L'autre Dieu, Le plein silence, L'intranquillité.  Je ne l'avais jamais découverte romancière. C'est chose faite avec ce roman d'une force et d'une subtilité étonnantes paru l'an dernier et que je viens de terminer.

Le jour où la Durance : une mère, Sylvia, perd son fils. Il a trente-sept ans, il s'appelle Bastien. Il était très lourdement handicapé. Elle voudrait se persuader que rien ne change, que ce n'est qu'un degré supplémentaire d'une absence depuis longtemps consommée, et pourtant... Du dimanche au jeudi, tandis que la Durance sort de son lit et recouvre la terre, les souvenirs affluent, débordent et Sylvia, dans les quatre jours qui séparent le décès de l'enterrement, part à la redécouverte de sa propre histoire.

Le jour où la Durance, M. Muller-Colard, Gallimard (Sygne), 2018, 180 p.

Sur Marion Muller-Colard dans ce blog, c'est également ICI.

samedi 9 novembre 2019

Un programme...

S'en tenir
à la terre

Ne pas jeter d'ombre
sur d'autres

Être
dans l'ombre des autres
une clarté



Sich zurückhalten
an der erde

Keinen schatten werfen
auf andere

Im schatten
der anderen
leuchten


Reiner Kunze, Un jour sur cette terre, traduit de l'allemand par Mireille Gansel

[Ces vers, imprimés par la très jolie maison d'édition Cheyne, sur une carte postale qui m'a un jour été envoyée, m'accompagnent au long des jours comme un programme. ]