"Tu réfléchissais, ce matin. Tu étais
dans les meilleures conditions qui soient pour ce faire, assise sous le
cerisier, ton café brûlant entre les mains. Dans le sapin voisin, un grimpereau
chantonnait allègrement en partant à l’assaut du tronc, minuscule boule – un
grimpereau pèse moins de dix grammes – de joie et d’énergie. Il était à peine
six heures. Les cerises pendaient sous les feuilles en goutte de sang, comme
dans la chanson.
Mais avais-tu réellement le
droit, t’inquiétais-tu, de prêter à cet oiseau la joie qui te gonflait le cœur ?
N’était-ce pas là une projection, une vue de l’esprit – une paresse, même ?
Ou bien fallait-il penser que
la joie qui était la tienne en ce matin de juin couleur d’azur et de cerise se
nourrissait de la joie de l’oiseau ? Qu’il en était, sinon l’origine – tu avais
ce matin-là d’autres motifs d’être joyeuse – du moins l’écho parfait, l’expression
la plus juste qu’il te serait jamais donné d’atteindre ?
Et pourquoi donc n’aurait-il
pas été joyeux, bien campé sur son territoire de prédilection, avec pour
perspective l’arpentage vertical méthodique d’une écorce d’épicéa gorgée de
délicieuses larves et de moucherons juteux, le soleil en ligne de mire et pour
toute compagnie, hormis la mienne, celle de quelques merles débonnaires ?
Résonance : oui, vos deux
joies se faisaient écho, jusqu’à n’en plus faire qu’une dans la louange du
matin."